L'intégration des valeurs vocationnelles

Critères de la dimension religieuse (suite)

L'intégration des valeurs vocationnelles

LES CRITERES DE DISCERNMENT VOCATIONNEL AU COURS DE LA FORMATION INITIALE

(suite de la publication du 26/02/2022)

II. Critères de la dimension religieuse

  1. L’intégration des valeurs vocationnelles

 En évaluant la vie spirituelle et l’intégration des valeurs vocationnelles dans la vie du jeune en formation, il ne faudrait pas s’arrêter sur l’aspect extérieur ; il y a prier et prier. Il faut discerner aussi la profondeur de ses attitudes. A cet égard, on peut distinguer 3 phases d’intégration[1].

Il y a complaisance quand la personne accepte l’influence d’une autre personne ou d’un groupe non par conviction intérieure, mais en fonction d’un gain personnel, par ex., afin d’obtenir une récompense extérieure ou d’éviter une punition de la part de cette personne ou du groupe. Il s’agit d’une acceptation extérieure. A titre d’exemple, je voudrais partager l’expérience vécue personnellement à Nairobi : un confrère ouvre la porte de la chapelle, mais il sort directement pour aller se promener quand il s’est rendu compte que le formateur n’est pas là. Au petit séminaire, il y a un phénomène appelé « jouer au sous-marin ». On peut citer aussi l’exemple d’un novice très pieux quand il est au noviciat en présence du maître ; mais une fois dans la paroisse pour les expériences apostoliques, il ne va jamais à la chapelle pour la prière personnelle.

Il y a identification quand l’on adopte le comportement d’une autre personne ou groupe parce que ce comportement est associé avec une relation gratifiante existant entre cette personne et l’autre personne ou groupe. C’est ainsi qu’une personne peut entrer dans la vie religieuse et se comporter comme un religieux car cette appartenance l’aide à se sentir quelqu’un, apprécié, important à ses yeux ou aux yeux des autres. Le risque est de s’identifier avec les rôles et devenir fonctionnaires.

On parle d’internalisation lorsque la personne se laisse influencer par une valeur parce que le comportement induit est congruent avec son système de valeurs. A ce niveau, la personne n’a pas besoin du soutien social ou de la présence de la personne extérieure comme dans le cas de complaisance ou d’identification. Plutôt, elle accepte et intègre les valeurs dans toute sa personnalité.

A cet égard, il faudrait faire attention pour ne pas considérer seulement le comportement extérieur, sans tenir compte de ses motivations profondes. Ainsi une autre façon de considérer l’intégration des valeurs vocationnelles dans la vie du jeune c’est l’analyse des quatre fonctions que peuvent remplir les attitudes vocationnelles. Selon les recherches de Katz Daniel, l’attitude peut remplir 4 fonctions[2]

  1. a) la fonction utilitaire: lorsque la personne adopte une attitude pour une récompense liée à cette attitude ou pour éviter la punition ;
  2. b) la fonction défensive: quand l’attitude est adoptée pour éviter de reconnaître la réalité inacceptable (intérieure ou extérieure) ;
  3. c) la fonction d’expression de valeur: l’attitude est adoptée pour exprimer authentiquement les valeurs centrales de la personne ;
  4. d) la fonction de connaissance: l’attitude est adoptée comme résultat de l’aspiration à connaître et comprendre l’univers pour mieux s’y adapter.

Une attitude vocationnelle peut donc servir diverses fonctions selon les circonstances où se trouve la personne. L’habit ne fait pas le moine, dit-on. Voilà pourquoi, dans le cadre de l’étude de l’identité vocationnelle, il ne faudrait pas considérer seulement le comportement extérieur de la personne consacrée, mais aussi voir les vraies motivations de ses attitudes. Une attitude peut avoir une motivation consciente ou inconsciente qui n’a rien à voir avec la vocation : une attitude obéissante peut servir un besoin de dépendance affective, la soumission pourrait aussi être une défense contre un besoin d’autonomie et de rébellion, un besoin d’accomplissement pourrait conduire à une compétition de type utilitaire[3].

 

[1] Cf. H. C. Kelman, ‘‘Processes of Opinion Change’’, Public Opinion Quarterly 25 (1961), 57-78;  

SPV, 97-102; AVC II, 52-53; AVC III, 381-383.

[2] Cf. D. Katz, ‘‘The Functional Approach to the Study of Attitudes’’, in M. Fishbein (Ed.), Reading in Attitude Theory and Measurement, 461-464; cf. W. J. McGuire, “The Nature of Attitudes and Attitude Change”, in: G. Lindzey – E. Aronson (Ed.), The Handbook of Social Psychology, 157-160; cf. M. Rokeach, ‘‘The Nature of Attitudes’’, in: Beliefs, Attitudes and Values. A Theory of Organisation and Change, 129-132; SPV, 85-86.

[3] Cf. SPV, 86.